lundi 30 décembre 2013

Interview Aurélie Gaudiche 
   
Aurélie Gaudiche     (photo : Luc Boutet)

L’association qu’elle préside, "Les Z’arts d’un délice" vient de se voir remettre un chèque de 3.000 €, par l’Association des "Papillonades" de Saint-André-des-Eaux, pour l’action qu’elle mène en faveur des "petits talibés", enfants des rues de Dakar et la maison qui les recueillent "L’empire des Enfants".

Son engagement pour la cause des enfants des rues de Dakar est très fort.
Infirmière de profession elle a accompli une mission humanitaire de 18 mois à Dakar et s'est impliquée dans la vie des enfants à "L'empire des Enfants"


(A voir absolument,  en bas de page, quatre vidéos pour aller plus loin dans la connaissance du problème des "talibés" de Dakar)


  Remise du chèque par la trésorière des "Papillonnades"                                                                                                                                                                                                             (photo : Luc Boutet)

Questions à Aurélie Gaudiche, pour en savoir plus :


Luc BOUTET : "Les Z’arts d’un délice", l’association que vous présidez collecte des fonds pour venir en aide aux enfants des rues de Dakar, comment vous est-il venu l’idée de créer une telle association ?
Aurélie Gaudiche : L'idée est venue il y a bientôt 10 ans, Camille Le Maléfant, une amie du lycée rentrait d'un voyage au Sénégal. Elle connaissait une association de Loudéac qui œuvrait dans la construction  d'écoles dans la région de Mbour. (Sud Sénégal, NDLR) C'est ensemble que nous avons eu l'idée de créer notre association pour les aider.

LB : Au début des années 2000 l’Inde était beaucoup plus "sexy", alors pourquoi l’Afrique ?
A.G. : déjà par ce voyage qu'a effectué mon amie Camille, son retour d'expérience m'a captivé. Et puis par je ne sais qu'elle attirance inexplicable du continent Africain qui m'a toujours fasciné..

LB : Et pourquoi plus le Sénégal que le Rwanda, par exemple ?
A.G. : Pour la même raison que les questions d'avant, le voyage de Camille. Et puis le Sénégal reste un pays très accessible, une porte d'entrée en "douceur" dans l'Afrique noire. Beaucoup de personnes y vont en vacances, c'est donc plus facile de sensibiliser le public sur notre projet. Plus facile pour y acheminer du matériel aussi. Mais si c'était à refaire, je choisirais peut être un pays comme le Rwanda qui bénéficie de beaucoup moins d'aide que le Sénégal.

LB : Vous avez un rapport particulier à l’Afrique ?
A.G. : Aujourd'hui : oui ! Il y a quelque chose qui me lie inévitablement à l'Afrique et au Sénégal en particulier. J'y ai passé un an et demi, j'ai créée beaucoup de liens la bas, avec les personnes avec qui je travaillais et avec les enfants.. On attends toujours que vous reveniez au pays lorsque vous passer du temps la bas..

LB : Ces petits "talibés" (disciples de maîtres coraniques : NDLR) de Dakar sont confiées aux "Daaras" (écoles coraniques), par des familles très religieuses ou très pauvres et nombre de marabouts remplissent consciencieusement la tradition importante de fournir aux jeunes garçons une éducation religieuse et "morale". Elles permettent quand-même, parfois, l’élévation sociale des enfants qui leur sont remis ?
A.G. : oui bien sûr, c'est le principe même des écoles coraniques et c'est très important de conserver cela. Mais malheureusement depuis 20 ans, des maîtres coraniques se pervertissent et exploitent les enfants qu'on leur a confiés, les privant de leurs droits et les éloignant de leur famille.

LB :, Certains enfants sont exploités par ces marabouts peu scrupuleux. Viennent-t-ils facilement demander de l’aide à "L’Empire des enfants" ?
A.G. : ça n'est pas si facile pour eux de faire le pas et de quitter le "daara". (NDLR : expression d'origine arabe passée au wolof (dialogue ethnique Sénégalais) ce terme désigne d'abord une cour, une villa, une maison plus précisément un centre d'éducation religieuse). Très souvent ils ont peur. Même si leurs conditions de vie sont très difficiles, au moins dans les "daaras" ils sont en groupes, ont un "toit" pour dormir et le minimum de nourriture. Quand ils s'échappent des "écoles coraniques" ils le font souvent à deux ou trois pour se protéger des dangers de la rue (les agressions, la drogue...) Parfois on les voit traîner devant "l'empire". Ils n'osent pas y rentrer, ils regardent ce qui se passent à l'intérieur et puis, ils finissent par franchir les portes d'eux-mêmes.. Parfois aussi ce sont des adultes qui les ont trouvés, seul, au bord d'une route, malade, pleurant, et qui les emmènent à "l'empire". Au début ils sont très timide, le contact est difficile surtout avec les plus grands et puis, au bout de quelques jours ils n'ont plus peur, ils sont en confiance et ils réapprennent à devenir des enfants : jouer, rire, faire des bêtises :)


Talibés de Dakar                                             (source Google)


LB : S’ils quittent leur "daara" ils craignent des représailles de la part des marabouts. Le maître coranique de l’école de Grand-Yoff, en périphérie de Dakar, a été condamné, en Juin 2010, à douze mois de prison ferme par un tribunal sénégalais. Il avait été reconnu coupable de coups et blessures volontaires sur deux jeunes garçons de 9 et 12 ans qui suivaient son enseignement. Ces enfants "talibés" avaient été roués de coups. Ces violences sont-t-elles nombreuses, encore actuellement ?
A.G. : Malheureusement oui, quand je travaillais à "l'Empire" en tant qu'infirmière donc, dès qu'un talibé arrivait je le prenais en charge à l'infirmerie pour voir s'il n'était pas blessé ou malade. Et j'ai souvent trouvé des traces de coups de fouets dans le dos  ou sur les cuisses des enfants, des plaies infectées, des brûlures de cigarette. Et quand certains arrivent à en parler ils nous racontent les violences sexuelles qu'ils ont parfois aussi subies. C'est atroce !

LB : Que deviennent les jeunes après avoir quitté "L’Empire des Enfants" ?
A.G. : la plupart rentrent dans leur famille. Parmi ceux pour qui le retour en famille n'est pas possible, pour une raisons ou une autre, les plus jeunes restent à "l'empire" et sont scolarisés. Actuellement ils sont trois enfants de 12 et 13ans qui suivent leur scolarité dans une école près de "l'Empire". Les plus adultes sont orientés vers des centres de formation ou directement formés à "l'Empire" quand la structure trouve les moyens financiers pour assurer cette formation. C'est le cas de Modou Touré qui a été formé aux arts du cirque ou d' Ablaye Sarr qui est aujourd'hui infographiste.

LB : Vous avez fait un séjour à Dakar, en tant qu’infirmière, quels souvenirs en gardez-vous ?
A.G. : De très bons souvenirs car j'ai tissé des liens forts avec les enfants, mon infirmerie c'était un endroit à l'Empire ou les enfants se retrouvait seul, un petit havre de paix, je m'occupais d'eux, c'était parfois de la "bobologie" mais moralement cela leur faisait tellement de bien. On s'attache très vite à eux et eux à vous, ce sont des enfants qui sont en manque d'affection mais le jour où ils rentrent chez eux la rupture est dure, il faut faire attention à cela et mettre un peu de distance. J'ai eu des moments durs aussi, surtout quand j'ai été confronté aux services de santé à Dakar. Les heures d'attente, la non prise en charge de la douleur même chez l'enfant, les conditions d'hygiène et d'hospitalisation, tous ces enfants qui attendent d'être soignés mais dont les parents n'ont pas les moyens de payer les soins. On est très loin de s'imaginer tout cela lorsque l'on vit en France..

LB : Votre séjour s’est passé sous la présidence d’Abdoulaye Wade. Depuis avril 2012, c’est Macky Sall qui préside aux destinées du Sénégal. L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) avait dénoncé la situation au Sénégal de "dizaines de milliers d’enfants astreints à la mendicité". La façon dont la problématique des "talibés" est traitée a-t-elle changée notoirement depuis la récente élection présidentielle ?
A.G. : Je me souviens que le rapport de HRW est sorti pendant que j'étais au Sénégal et il a fait scandale! C'était la honte pour l'Etat Sénégalais mais cela n'a rien changé. Abdoulaye Wade n'a absolument rien fait pour ces milliers d'enfants qui errent dans les rues des grandes villes du Sénégal, à part des discours et des promesses. Je crois que les gens avait plus d'espoir avec Macky Sall, mais depuis bientôt 2 ans qu'il est au pouvoir, rien n'a changé non plus. En février 2013, un "daara" a brûlé dans le quartier de la médina, tout près de "l'Empire, 4 enfants sont morts dans l'incendie. Le scandale a de nouveau éclaté, Macky Sall a fait son discours demandant que l'on condamne les responsables. Aujourd'hui les "talibés" traînent toujours dans les rues par centaines ... !
(voir la vidéo de Malick Sall, le lendemain de l'incendie du daara, en bas de page)

Monsieur Macky Sall  Président de la République du Sénégal             (source : France 24 & AGORAVOX)

LB : L’action de "Les Z’arts d’un délice" va-t-elle se développer horizontalement en finançant le salaire de 4, voire plus, de salariés de "L’Empire des Enfants" ou, plutôt verticalement, en intervenant sur d’autres causes, dans d’autres pays ?
A.G. : Dans d'autres pays non, nous n'avons pas les moyens (financiers et humains) de nous investir dans un autre projet pour le moment. Financer un 4ème salaire? Si "l'Empire" nous en faisait la demande comme un appui indispensable alors : oui nous le ferions. Mais pour l'instant ça marche bien comme cela et nous ne préférons pas nous engager de trop et ne pas pouvoir assurer derrière. Cette année a été très bénéfique pour notre association mais il n'est pas garanti que cela marche toujours aussi bien, c'est pourquoi nous préférons assurer nos arrières.

LB : Bien que cela soit anecdotique eu égard au drame que vivent ces enfants, votre association porte un nom un peu … étrange. Qu’elle est son origine ?
A.G. : "Les Z'arts d'un délicevient du nom du tableau du 16ème siècle de Jérôme Bosh : "Le jardin des délices". (daté entre 1503 et 1504, actuellement conservé au Musée du Prado) NDLR.).  C'est un triptyque dont le premier volet représente l'Eden, le volet du milieu représente les enfants d'Adam et Eve dans un jardin délicieux et le volet de droite représente l'Enfer. Quand nous avons créé l'association nous étions au lycée Joseph Savina à Tréguier. Nous suivions des options artistiques comme le théâtre, cinéma et histoire de l'art. Le projet initial de l'association étant de créer un échange culturel entre deux écoles, bretonne et sénégalaise, nous nous sommes inspirés de ce tableau en faisant référence au volet du milieu. Cette année nous avons pensé changer de nom car il est difficile à retenir et un peu équivoque mais finalement nous avons décidé de le garder car cela fait 10 ans que nous utilisons ce nom et que le public nous connaît déjà bien sous ce nom.


"Le Jardin des délices " de Jérôme Bosh                             (source : Wikipédia)



LB : Comment peut-on adhérer à l’association ?
A.G. : En cotisant tous les mois, même 5 € par mois c'est super! Voir le RIB de l'association à la fin. Les dons sont déductible des impôts à 66%. Il vous suffit de mettre en place un virement mensuel permanent. (Si vous rencontrez de difficultés, me contacter par mail)


Talibé de Dakar                                                                                      (source : Google)



LPB : Et sans vouloir adhérer, comment vous aider ? Où envoyer des dons ?
A.G. : A l’association : 58, rue Jacques Quartier – 35430 LA VILLE LES NONAIS (ou me contacter par mail). Vous pouvez aussi vous impliquer en devenant bénévole ! Nous ne sommes que quatre dans l'association ! Nous sommes toujours à la recherche de personnes désirant donner un peu de leur temps, pour les animations lors des "Papillonades" le 1er wkd de juin, pour la braderie de Dinard en août et pour faire les paquets cadeaux à "Cultura" à Saint Malo avant Noël! Ou en devenant membre actif, c'est à dire d'en plus de participer à nos actions déjà citées. C'est aussi de participer aux réunions de l'association et travailler sur les dossiers. Il y a du travail pour tous ! (sourire) Nous sommes également toujours preneurs pour du matériel pour "l'Empire des Enfants" : matériel médical, scolaire, produit d'hygiène. Et des objets divers,  en bon état, pour nos braderies! Dans ce cas me contacter directement au 06.79.14.10.66. ou par mail : aurelie.gaudiche@hotmail.fr.

LB : Votre association sera-t-elle présente au festival des "Papillonnades" cet été ?
A.G. : oui bien sûr! Nous serons encore là l'année prochaine pour organiser quelques animations pour petits et grands! C'est un réel plaisir de participer à ce festival !

LB : Qu’elle est la question que je n’ai pas – et que j’aurais dû – vous poser ?
A.G. : Pour quand un prochain départ pour Dakar? Camille qui fait nouvellement partie de l'association part en janvier pour faire 3 mois de bénévolat à "l'Empire" elle a vraiment hâte de partir. J’invite tous ceux et toutes celles qui voudraient partir faire du bénévolat à l'étranger dans le cadre d'un projet de solidarité internationale de me contacter. Je serais ravie de partager mon expérience avec d'autres personnes qui souhaitent s'engager dans l'association localement. Et pour pouvoir partager cette expérience humaine que nous apporte "l'Empire" et ses enfants des rues, en mal d’affection. C’est très enrichissant sur le plan personnel. Venez !

Propos recueillis par : Luc BOUTET

Saint-André-des-Eaux, le 21 Décembre 2013



    Aurélie Gaudiche                                                                                                                                                                                                    (photo : collection privée)

Pour faire un don : Relevé d'Identité Bancaire (RIB)
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IBAN : FR76 4255 9000 5522 0291 6010 550
BIC : CCOPFRPPXXX - Crédit Coopératif de Rennes

En cas de difficulté : e-mail : aurelie.gaudiche@gmail.com

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Des vidéos pour aller plus loin :

Vidéos sur "L'empire des  enfants"








voir aussi la vidéo de l’Interview de Macky Sall, Président de la République du Sénégal, à la médina, le lendemain de l'incendie meurtrier d'un daara

 You Tube : http://www.youtube.com/watch?v=jTTDahd1hhs




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